Brusque arrêt de l’AS 2 d’Aerion

Ce 21 mai 2021, la société Aerion annonce l’arrêt total de son projet d’avion supersonique AS2. 

Cette compagnie, fondée en 2003, portait ce projet hors norme, synonyme pour beaucoup d’un retour des vols supersoniques civils, interrompus avec la disparition du Concorde.

Les bonnes fées de l’aéronautique mondial s’étaient penchées sur son berceau pour lui assurer un futur royal : Airbus, Boeing, Lockheed Martin, Eaton, Spirit Aerosystems, Colin Aerospace, Safran, Liebherr Aerospace, CAE Systems, GE Aviation et de nombreux autres.

La société était parvenue à développer une technologie brevetée du nom de “Boomless cruise” qui devait permettre à l’AS 2 de voler sans créer de boom sonique, grand problème des jets supersoniques tel le Concorde il y a 50 ans. Son carnet de commandes affichait un total supérieur à 11 milliards de dollars. 

Dans son enthousiasme, la compagnie projetait d’ouvrir un Aerion Park en Floride, sur l’aéroport de Melbourne. Ce dernier programme, qui représentait un investissement de plus de 300 millions de dollars et devrait générer près de 700 emplois, n’ouvrira jamais ses portes comme prévu en 2026.

Cet avion d’affaire supersonique pouvait accueillir 12 passagers dans des cabines spacieuses et confortables et avait une vitesse de croisière de Mach 1.6, soit environ 2000 km/h avec une autonomie de 7 780 km. Cependant, plus tôt en mai, le constructeur annonçait qu’il voulait viser une vitesses allant de Mach 3 à Mach 5, soit plus de 6 000 km/h, avec une autonomie de 13 000 km. Le premier vol de cette dernière version est annoncé pour 2024 et mis sur le marché en 2026.

Las, le rêve a pris fin brutalement il y a quelques jours. 

Pourquoi un arrêt si soudain de ce projet pourtant – a priori – bien parti ? Aerion avait pourtant plusieurs partenaires prestigieux et même des pré-commandes de clients sérieux, tel le courtier aérien NetJets. Rappelons que le prix catalogue était fixé à 120 millions de dollars l’unité.

Plusieurs raisons l’expliquent mais la principale est l’atmosphère économique dans lequel vie le monde de l’aéronautique actuellement : l’heure est au frein sur les dépenses et le retour à la rentabilité avec les avions et services déjà existants. Cela concerne tout le monde, mais en particulier Boeing, qui a décidé de ne plus soutenir le projet : le constructeur de Seattle est actuellement trop impacté par le COVID et ses déboires sur le 737 Max.

Le budget de développement s’envolait également et Aerion n’a pas réussi à rassembler assez de capitaux pour suivre cette envolée budgétaire. 

La société explique: « Dans l’environnement financier actuel il s’est avéré extrêmement difficile de clôturer les nouveaux besoins en capital prévus et nécessaires pour finaliser la transition de l’AS 2 vers la production. ». Elle ajoute dans un autre communiqué : « Aerion Corporation prend maintenant les mesures appropriées en tenant compte de cet environnement financier permanent. » 

L’armée américaine a par ailleurs interdit de survoler des terres en mode supersonique, sauf en cas d’intervention militaire. Les avions supersoniques ne peuvent donc pas encore voler librement.

L’AS3, projet semblable a celui de l’AS2 mais destiné à l’aviation civile, est lui aussi un projet mort-né.

Gageons que d’autres projets prendront le relais. L’expérience acquise et les brevets déposés ne sont pas perdus et nous aurons sûrement le plaisir de voir d’autres porteurs de projets reprendre le flambeau des avions supersoniques civils. Et qui sait, peut-être auront nous le plaisir de les voir voler, voire de monter à bord dans les prochaines décennies ? 

Le rêve continue.